Thierry MOLLET-VIÉVILLE Avocat associé - UPC Representative

Articles et publications 01.12.19

De la loi de 1968 à la JUB, un demi-siècle d’évaluation de l’activité inventive en France et en Europe

Actes du colloque de l’AAPI, la CNCPI et l’IRPI – Collection Actes de colloque, Tome 48, – Éditions IRPI

Les éditions de l’IRPI – Institut de Recherche en Propriété Intellectuelle (Paris) reviennent sur le colloque de juin 2018 sur l’activité inventive avec une nouvelle publication « De la loi de 1968 à la JUB, un demi-siècle d’évaluation de l’activité inventive en France et en Europe : bilan et perspectives »- Actes du colloque de l’AAPI de la CNCPI – Compagnie Nationale des Conseils en Propriété Industrielle et de l’IRPI – Institut de Recherche en Propriété Intellectuelle (Paris).

Duclos, Thorne, Mollet-Viéville & Associés (DTMV) est heureux d’avoir contribué à cet ouvrage avec la rédaction d’un rappel historique sur « L’instauration du critère d’activité inventive en France » par Thierry Mollet-Viéville

→ En savoir plus : lien vers le catalogue

Lin NIN Avocat associé

Articles et publications 19.01.19

Exequatur : L’exécution de jugements américains en France

Exequatur : L’exécution de jugements américains en France

A judgment is as good as its enforcement.

Demander l’exécution d’un jugement peut présenter des difficultés même sans aucun élément d’extranéité. A fortiori, cette demande est complexe par nature lorsque l’exécution du jugement doit avoir lieu à l’étranger, dans un pays qui n’a pas émis le jugement. Le présent article fait le point sur l’exécution de jugements américains en France.

L’article est co-signé par Lin Nin et Charles Simon.

 

thomas-cuche-auteur

Thomas CUCHE Avocat associé - UPC Representative

Articles et publications 16.01.19

Commentaire sur le décret du 11 décembre 2018 relatif au secret des affaires

DÉCRET DU 11 DECEMBRE 2018 : LE DROIT DU SECRET DES AFFAIRES EST EFFECTIF, LES PRINCIPES DU CONTRADICTOIRE ET DE LA PUBLICITÉ DES JUGEMENTS AMÉNAGÉS POUR LE PRÉSERVER

Deux ans après la Directive n°2016/943 harmonisant la protection du secret d’affaires au sein de l’Union européenne, le décret n°2018-1126 du 11 décembre 2018, pris en application de la loi n°2018-670 du 30 juillet 2018 transposant la Directive, marque la véritable entrée en vigueur d’un droit français du secret des affaires. Le décret modifie également les règles applicables au principe du contradictoire dans les contentieux et à la publicité des décisions.

Pour rappel, la loi n°2018-670 du 30 juillet 2018 (ciaprès « Loi ») avait introduit dans le Code de commerce un titre V consacré à la protection du secret des affaires, tout en renvoyant au Conseil d’Etat la tâche d’en fixer les conditions par décret. Cet article a pour objet de revenir sur les principaux apports introduits par le décret n°2018-1126 du 11 décembre 2018 (ci-après « Décret »).

Les mesures provisoires et conservatoires pouvant être prononcées

Ces nouvelles mesures sont applicables afin de prévenir une atteinte imminente ou de faire cesser une atteinte illicite à un secret des affaires.

Pour y parvenir, le juge pourra prescrire, sur requête ou en référé, toute mesure provisoire et conservatoire, cette mesure devant cependant être proportionnée.

L’article R152-1-I du Code de commerce précise que le juge peut notamment interdire la réalisation ou la poursuite des actes d’utilisation ou de divulgation d’un secret des affaires mais également interdire les actes de production, d’offre, de mise sur le marché ou d’utilisation des produits soupçonnés de résulter d’une atteinte significative à un secret des affaires, ou d’importation, d’exportation ou de stockage de tels produits à ces fins.

Enfin, le Décret introduit également la possibilité pour le juge, non prévue par la Loi, d’ordonner une saisie ou une remise entre les mains d’un tiers de produits pour empêcher leur entrée ou circulation sur le marché. Le régime de ces mesures est donc pratiquement identique à celui applicable pour les Droits de Propriété Intellectuelle (ci-après « DPI »).

Instauration d’un mécanisme de garantie

Initialement non-prévue par le législateur, le Décret prévoit cependant que le juge pourra ordonner une constitution de garanties :

  • Au demandeur ayant obtenu des mesures provisoires et conservatoires, pour qu’il puisse assurer l’indemnisation du défendeur ou d’un tiers touché par la mesure jugée ultérieurement infondée
  • Au défendeur comme condition pour l’autoriser à poursuivre l’utilisation illicite soulevée par le demandeur, afin que le cas échéant, il puisse en assurer l’indemnisation si condamnation.

Suite aux mesures provisoires et conservatoires et aux mesures de garantie, le demandeur devra saisir les juges du fond dans un délai de 20 jours ouvrables ou 31 jours civils (si ce dernier délai est plus long), à compter de la date de l’ordonnance, et sous peine de caducité des mesures ordonnées.

Là aussi, ce régime de garantie est déjà connu en matière de DPI.

Placement sous séquestre provisoire des documents obtenus sur requête ou dans le cadre d’une mesure d’instruction

Conformément à l’article R153-1 du Code de commerce, le juge pourra ordonner d’office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d’en assurer la protection du secret.

Il s’agit bien d’un placement sous séquestre provisoire car le défendeur aura un délai d’un mois pour saisir le juge d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance. Ce délai d’un mois s’appréciera à compter de la signification de l’ordonnance.

A défaut, la mesure de séquestre sera levée et les pièces appréhendées seront transmises au requérant.

Nouvelles règles de procédures relatives à la communication des pièces

Ces nouvelles règles s’appliquent pour un contentieux commercial ou pour un contentieux civil, dès lors que la communication ou la production d’une pièce est demandée, et que le défendeur à cette demande (partie ou tiers) s’y oppose en invoquant la protection du secret des affaires.

Il ressort de l’article R153-3 du Code de commerce que, sous peine d’irrecevabilité, le défendeur devra alors remettre au juge :

  • La pièce visée en version confidentielle et intégrale,
  • Une version non-confidentielle ou un résumé de la pièce, et
  • Un mémoire précisant les motifs qui confèrent à cette pièce le caractère d’un secret des affaires.

Le juge statuera ensuite sur le sort de cette pièce, sans audience (article R153-4 du Code de commerce).

Préalablement, le Juge aura eu la possibilité d’entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par “une personne habilitée”, a priori son avocat, ainsi que la personne qui demande la communication ou la production de la pièce. A la différence du détenteur, le Décret ne précise pas que cette personne pourra être assistée ou représentée, ce qui semble néanmoins inévitable, au moins lorsque la représentation est obligatoire.

Par ailleurs, les circonstances dans lesquelles ces dispositions devront être mises en œuvre devront éventuellement être clarifiées.

On peut se poser la question de savoir comment articuler ces dispositions, qui doivent donc être invoquées à peine d’irrecevabilité, par exemple à l’égard d’une pièce déjà communiquée (spontanément) mais sous une forme biffée.

Dès lors, le juge aura trois possibilités :

  • Refuser la communication de la pièce s’il estime qu’elle n’est pas nécessaire à la solution du litige (article R153-5 du Code de commerce)
  • Ordonner la communication de la pièce dans sa version intégrale : (i) si la pièce est nécessaire à la solution du litige, (ii) même si cela peut porter atteinte à un secret des affaires, (iii) le juge demeurant cependant libre de décider des limites d’accès à cette pièce, le Décret suggérant la mise en place d’un cercle de confidentialité (article R153- 6 du Code de commerce)
  • Ordonner la communication d’une version non-confidentielle ou un résumé de celle-ci selon ce qu’il estimera nécessaire à la solution du litige (article R153-7 du Code de commerce)

La décision du juge pourra :

  • Si elle intervient avant toute instance au fond, faire l’objet d’un recours conformément aux articles 490 et 496 CPC ;
  • Si elle intervient dans le cadre d’une instance au fond, (i) faire l’objet d’un appel du défendeur, dans un délai de quinze jours, si elle ordonne la communication d’une pièce ou (ii) faire l’objet d’un appel seulement avec la décision sur le fond lorsqu’elle refuse la communication de la pièce au requérant. Notons également que l’appel est suspensif, et que l’exécution provisoire ne peut ainsi être ordonnée.

Confidentialité du jugement

Afin de protéger les secrets des affaires, y compris à l’issue de la procédure, l’article R153-10 du Code de commerce prévoit dorénavant que :

  • À la demande d’une partie, un extrait de la décision ne comportant que son dispositif, revêtu de la formule exécutoire, pourra lui être remis pour les besoins de son exécution forcée ;
  • Une version non-confidentielle de la décision, dans laquelle seront occultées les informations couvertes par le secret des affaires pourra être remise aux tiers et mise en ligne à disposition du public.

Enfin, en harmonisant le vocabulaire dans de nombreux textes législatifs ou réglementaires, le Décret nous rappelle que désormais, la protection du secret des affaires est un droit autonome devant être pris en considération en toute matière.

Liens vers la Loi et le Décret

 

Eleonore Gaspar

Eléonore GASPAR Avocat associé

Articles et publications 01.10.18

Parution du Livre Genuine use of trademarks, Law series de l’AIPPI – Wolters Kluwer oct. 2018.

Genuine use of trademarks, Law series de l’AIPPI – Wolters Kluwer oct. 2018.

Cet ouvrage aborde les définitions de « l’utilisation des marques ». L’utilisation de la marque peut en effet être requise pour que celle-ci ne tombe pas en déchéance. Or, bien que la tendance soit à l’harmonisation dans le monde de la législation sur le droit des marques, les régimes juridiques peuvent varier. Tous les pays n’évaluent pas toujours de la même manière si une marque est belle et bien utilisée et n’attachent pas toujours la même conséquence au non-usage de la marque. Ce manque d’uniformisation est un enjeu important pour les propriétaires de droits qui exploitent leurs marques à l’international.

Le présent Livre sur « Les réelles conditions d’usages de la marque » propose donc une analyse des règles et de leurs applications jurisprudentielles pays par pays. Il permet ainsi aux gestionnaires de portefeuille de marques (ou leurs conseils) d’y voir clair et de connaître, pour 26 juridictions différentes, les implications et les bonnes pratiques à adopter pour protéger leurs actifs.

L’ouvrage a été édité par Eléonore Gaspar, qui contribuait également en tant que co-auteur sur les chapitres concernant le droit des marques en France.

→ En savoir plus : lien vers le catalogue

Lin NIN Avocat associé

Articles et publications 26.07.18

Principaux éléments à retenir sur la loi du 20 avril 2018 relative au droit des contrats

Deux ans après l’ordonnance no. 2016-131 réformant le droit des contrats, le Parlement a adopté le 20 avril 2018 la loi no. 2018-287 ratifiant ladite ordonnance, apportant ainsi quelques éclaircissements jugés nécessaires par la doctrine et modifiant certaines dispositions.

Le document est co-signé par Lin Nin et Audrey Lemal.

Thierry MOLLET-VIÉVILLE Avocat associé - UPC Representative

Articles et publications 04.06.18

Commentaires et critiques sur la proposition de loi du 24 May 2018 sur la protection du secret des affaires

La protection du secret des affaires – proposition de loi du 24 mai 2018 n° 984 AN et 506 SENAT

a) Dans cette proposition de loi, la présentation juridique de la protection du secret des affaires ne coïncide pas toujours avec celle de la doctrine et de la jurisprudence françaises que nous connaissons sur le savoir-faire et le secret de fabrique, alors que sur le fond, les notions devraient être essentiellement les mêmes (voir par exemple Paul MATHELY 1974 p. 845 et s. et 1991 p. 14).

b) L’expression « secret des affaires » reste pour le moins inappropriée, et même fausse puisque certaines « affaires » sont protégées même sans secret (art. L 151-1 1°).

I /

1/ La proposition de loi ne donne pas une analyse distincte de ce qui est l’objet et les conditions de sa protection par ce nouveau régime.

a) L’objet qui serait défini et protégeable et aux articles L 151-1 et 2, englobe-t-il également le secret de fabrique, le secret commercial ou de service (voir également L 151-4 § 2), les résultats des recherches qu’elles soient industrielles, académiques, scientifiques ou universitaires … (voir également art. L 151-3).

b) Les conditions de protection ne semblent pas toujours cohérentes aux articles L 151-1 et 2.

Car pour être protégée, l’information a seulement besoin de ne pas être en elle-même ou dans sa configuration et son assemblage, « généralement connue ou aisément accessible … » dans le secteur.

Au contraire, les articles L 151-1 2°, 3° et L 151-2A évoquent le caractère secret de l’information, alors qu’il s’agit sans doute plus d’une « confidentialité » voulue par son auteur ou réalisateur.

2/ La proposition de loi ne commet-elle toujours pas, à l’article L 515-2 A, une confusion entre :

– l’auteur ou le réalisateur de l’information qui a droit à la protection du secret des affaires

– le « propriétaire » qui détient tous les attributs du droit de propriété sur ce bien incorporel

– et ses ayants-cause, tel un cessionnaire total ou partiel, un licencié exclusif ou non, qui par nature n’aurait que le droit de l’utiliser, sans pouvoir la divulguer ou la revendre.

L’expression « détenteur légitime », notamment aux articles L 151-2A, 151-3 et 4, ne prête-t-elle pas à confusion avec la notion française classique d’un simple possesseur qui ne bénéficie pas de tous les attributs du droit de propriété sur le bien incorporel ?

3/ N’aurait-il pas été plus simple de prévoir aux articles L 515-3 à 5 et 152-1 et s., que l’atteinte au secret des affaires est réalisé, en l’absence de consentement du titulaire, notamment par voie d’accès, d’usurpation, de communication et/ou de divulgation ?

4/ a) Aux termes de l’article L 152-2 I, le Juge n’a pas l’obligation de prononcer des mesures d’interdiction, notamment si l’interdiction est « disproportionnée ».

Il en est de même de la destruction, de la confiscation et du rappel des circuits commerciaux (L 152-2 II).

b) Aux termes de l’article L 152-2-1, ces mesures d’interdiction et de destruction … (art. L 152-2 I à III) peuvent être remplacées à la demande de la victime par une indemnité financière, si ces mesures d’interdiction causent au délinquant « un dommage disproportionné », alors qu’il était de bonne foi et que le versement de cette indemnité « paraît raisonnablement satisfaisant ».

Il est surprenant de lire que l’article L 152-2-1 alinéa 5 interdit de fixer cette indemnité au-dessus du prix de l’autorisation, alors que l’article L 152-3 alinéa 5 ne l’interdit pas pour la « somme forfaitaire », et que les articles L 331-1-3, 521-7, 615-7 et 716-4 CPI l’imposent en faveur de la victime qui la demande.

5/ a) La proposition de loi ne prévoit aucune durée quant à la protection de ce secret des affaires.

Cette durée serait-elle perpétuelle ? Tant que les conditions prévues à l’article L 151-1 demeurent sur l’accès difficile, la valeur commerciale et la prévention du secret ?

b) Pour autant, la proposition de loi n’interdit pas au Juge de prononcer une interdiction perpétuelle, tout en prévoyant qu’il peut en prononcer de temporaire.

i. Une interdiction perpétuelle avait déjà été prévue dans la jurisprudence française (voir TGI Paris 23 mars 2004 RG 02/08.140 SCHILLING PUNKER / BAXI CICH).

Les articles L 152-2 I et III ne fixent pas de limite déterminée aux mesures d’interdiction.

Car la « durée fixée doit être suffisante pour éliminer tout avantage commercial ou économique … » que le délinquant aurait pu dans le futur « tirer de l’obtention, de l’utilisation ou de la divulgation illicite du secret des affaires » (article L 152-2 III).

iii. En toute hypothèse, aux termes de l’article L 152-2 IV alinéa 2, le délinquant peut demander à ce que le Juge mette fin à de telles mesures d’interdiction « pour des raisons qui ne dépendent pas, directement ou indirectement, de lui » [sic].

c) La durée du prix de l’autorisation n’est pas non plus déterminée aux articles L 152- 2-1 alinéa 5 et 152-3 alinéa 5, sauf à retenir la durée des mesures d’interdiction.

II /

1/ La prescription quinquennale de l’action relative à une atteinte au secret des affaires commence à courir « à compter des faits qui en sont la cause » et non « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre le dernier fait lui permettant de l’exercer » comme le prévoient l’article 12 de l’ordonnance du 9 mai 2018 pour remplacer l’article L 615-8 CPI, ainsi que le nouvel article 2224 du Code Civil.

2/ Une amende civile est prévue à l’article L 152-6 en cas de « procédure dilatoire ou abusive ». Son montant ne peut être supérieur à 20% du montant de la demande de dommagesintérêts. Et en l’absence de tels dommages-intérêts, elle ne peut excéder 60.000€.

3/ L’article L 152-5 ne prévoit pas que les mesures de publicité pourront être ordonnées aux frais « avancés » du délinquant.

III /

Les articles L 153-1 et 2 de cette proposition de loi tentent de régler la protection d’un secret des affaires devant les Juges commerciaux et civils.

1/ a) Le Juge peut prendre seul connaissance de la pièce prétendument « secrète », afin de décider s’il convient ou non de limiter sa communication … sous une forme de résumé ou d’en restreindre l’accès :

pour chacune des parties,

– au plus à une personne physique

– et une personne habilitée à l’assister ou la représenter » (article L 153-1 1°) [sic].

  1. b) Les débats pourront avoir lieu et la décision pourra être prononcée en chambre du conseil (articles L 153-1 2°).
  2. c) De manière « révolutionnaire », le Juge pourra « adapter la motivation» et « les modalités de la publication » de son jugement « aux nécessités de la protection du secret des affaires » (article L 153-1 3°) [sic].

2/ a) L’obligation de confidentialité des personnes désignées par le Juge « perdure à l’issue de la procédure » (article L 153-2 alinéa 5).

b) Enfin, rien ne dit que l’appel à l’encontre de ces différentes mesures, est suspensif,

contrairement à ce que prévoit le nouvel article L 77-13-2 du Code de la Justice

Administrative (p. 12 de la proposition de loi).

thomas-cuche-auteur

Thomas CUCHE Avocat associé - UPC Representative

Articles et publications 20.03.18

Commentaire de la jurisprudence sur les PV de constat d’achat

L’application de l’arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2017 relatif aux rôles des stagiaires en matière de constat d’achat  a donné lieu à deux décisions contradictoires du TGI de Paris les 1er et 22 décembre 2017.

La première chambre civile de la Cour de cassation a remis en cause, par un arrêt du 25 janvier 2017, une pratique répandue en matière de constat d’achat : le stagiaire de l’avocat ne peut plus assister l’huissier instrumentaire dans cette tâche.

Très critiqué en doctrine, cet arrêt a été suivi de deux décisions du TGI de Paris datées du 1er décembre 2017 et du 22 décembre 2017, dont les solutions sont contraires.

Le contexte jurisprudentiel relatif au constat d’achat

Véritable moyen de preuve et souvent préalable à une requête en saisie-contrefaçon, le constat d’achat est admis par la jurisprudence depuis longtemps (CA Paris 25 oct. 1993), et a vu son régime se construire au fil des décisions de justice.

Il convient de rappeler à cet égard que l’huissier ne peut effectuer l’acte d’achat lui-même sans y être préalablement autorisé (voir notamment TGI Paris, 3e ch. 8 novembre 2011) et ce en raison des règles consacrées à la profession (l’huissier ne pouvant effectuer que des constations matérielles) et doit constater l’achat depuis la voie publique (CA Paris, 29 janvier 2010).

Jusqu’à l’arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2017, pouvait être tiers acheteur tout individu sans lien avec l’huissier. L’indépendance n’était appréciée que par rapport à l’huissier de justice.

La Cour a ainsi validé le fait que le tiers acheteur soit le directeur commercial de la société requérante au constat, au motif que cette circonstance « n’a aucune incidence sur le caractère objectif des constatations de l’huissier » (CA Paris, 27 octobre 2006).

Le TGI de Paris, par un jugement du 31 mai 2011, a également admis que les constatations matérielles de l’Huissier n’étaient pas affectées par le fait que l’achat constaté était réalisé par une personne salariée du cabinet d’avocats représentant la société requérante.

Jusqu’alors l’acte d’achat pouvait être, et était souvent, réalisé par le stagiaire de l’avocat.

L’arrêt du 25 janvier 2017 vient mettre un terme à cette pratique en cassant l’arrêt de la CA de Paris du 2 juin 2015 qui considérait que « la circonstance que la personne assistant l’huissier ait été, non pas membre, mais simple stagiaire du cabinet d’avocat de la société requérante, est sans incidence, dès lors qu’il n’est argué d’aucun stratagème déloyal qui lui aurait permis de procéder à l’achat ».

Au visa de l’article 6§1 de la CEDH et de l’article 9 du CPC, la Cour de cassation impose, au nom du droit à un procès équitable, que le tiers qui assiste l’huissier instrumentaire lors de l’établissement d’un procès verbal de constat d’achat soit indépendant de la partie requérante, ce qui ne semble pas pouvoir être le cas, d’après l’arrêt de la Cour, du stagiaire du cabinet d’avocats représentant cette partie.

Cette décision a été vivement critiquée par les praticiens en raison des difficultés évidentes qu’elle implique.

La jurisprudence apparemment contradictoire depuis l’arrêt de la 1ère chambre civile du 25 janvier 2017

Deux décisions sont intervenues depuis cet arrêt sur la question du tiers dans le cadre d’un constat d’achat, mais dont les solutions et raisonnements sont opposés.

Jugement du TGI de Paris, 1 ier décembre 2017, 3 e chambre, 3e section :

Un constat d’achat a été réalisé le 7 juin 2016 avec le concours du stagiaire de l’avocat de la société estimant ses droits contrefaits.

La société accusée de contrefaçon invoque la nullité du procès-verbal au motif qu’il a été réalisé avec le concours du stagiaire de l’avocat de la société requérante, et que cela ne remplit pas les garanties d’indépendance et d’impartialité nécessaires, et ce, en s’appuyant sur l’arrêt du 25 janvier 2017.

Le tribunal a écarté l’application de la jurisprudence du 25 janvier 2017 en considérant qu’elle ne devait pas être rétroactive.

Mais les juges ne s’arrêtent pas là, et entendent justifier la régularité du constat d’achat par un autre argument en indiquant ceci : « En outre, quand bien même l’assistant de l’huissier instrumentaire est effectivement en l’espèce, le stagiaire de l’avocat du requérant, il n’en demeure pas moins en l’espèce que l’intéressée est entrée dans le magasin sans être porteuse d’un quelconque objet en relation avec l’affaire et qu’elle en est ressortie quelques instants plus tard, avec un ticket de caisse et une ceinture Coach, ce que l’huissier a constaté (pièce n°12), sans que ne puisse être suspectée l’existence de quelconque manœuvre de celle-ci, qui ne saurait en tout état de cause se déduire de sa seule qualité de stagiaire du cabinet d’avocat du requérant. »

Le tribunal reprend la motivation de l’arrêt de la CA de Paris qui avait été cassé par l’arrêt du 25 janvier 2017, alors même que la société défenderesse invoquait la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation de façon explicite.

Il faut indiquer également que le constat d’achat en question n’était pas l’unique preuve à la disposition du tribunal pour fonder sa décision. Il n’était donc pas indispensable de le « sauver » puisqu’il l’écarte ensuite, et il n’était pas non plus nécessaire de souligner, comme l’a fait le tribunal, qu’il s’agissait d’une preuve loyale dont l’obtention était exempte de manœuvres.

Du fait de la formulation utilisée et de l’ensemble des éléments précités, il est possible d’en conclure que le tribunal a entendu s’opposer à l’arrêt de cassation de la Cour de cassation du 25 janvier 2017.

Jugement du TGI de Paris, 22 décembre 2017, 3e chambre, 2e section :

Ici encore les faits sont similaires, des produits argués de contrefaçon ont fait l’objet de constats d’achat par un huissier assisté du stagiaire du cabinet d’avocats représentant la société requérante.

Le tribunal reprend l’attendu de principe de la Cour de cassation et considère que « le droit au procès équitable consacré par l’article 6§1 de la CEDH, ensemble le principe de loyauté dans l’administration de la preuve, commande que la personne qui assiste l’huissier […] soit indépendante de la partie requérante » et écarte ainsi les procès-verbaux des débats.

C’est donc un raisonnement identique et conforme à la « nouvelle » jurisprudence de la Cour de cassation que tient le TGI de Paris dans sa décision du 22 décembre 2017.

Conclusions

Ces deux jugements ont été rendus à quelques semaines d’intervalle.

Il reste maintenant à savoir si la Cour d’appel résistera à l’arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2017.

A notre sens, l’appréciation de l’indépendance, ou non, du tiers n’a pas lieu d’être. En effet, seul doit être indépendant le constatant, à savoir l’huissier, pour donner une valeur probante supérieure au seul fait constaté par ses soins (la personne procédant à l’achat rentre dans un magasin les mains vides et en ressort avec un produit par exemple ; ce qui ne signifie pas pour autant que l’Huissier a constaté l’achat du produit). Le défendeur pourra toujours contester par une preuve simple les faits allégués et non constatés par l’huissier.

Affaire à suivre…

 

Ce commentaire est co-signé par Thomas Cuche & Diane Fay

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