Thierry MOLLET-VIÉVILLE Avocat associé

25.08.22

Contrefaçons de brevets hors de France

La Cour de Cassation vient de rappeler très clairement qu’aussi en matière de brevet, le juge français (FR) peut sanctionner des contrefaçons commises hors de France (FR), [double cassation du 29 juin 2022, pourvoi G 21-11.085, arrêt 540 F-D : Hutchinson (FR) / Global Wheel (ZA), Tyron (GB) , Dal (FR) et LaVi (FR)].

Cette affaire judiciaire se présente de la manière suivante :

  • Le demandeur FR est titulaire d’un brevet européen (EP) désignant la FR, la Grande-Bretagne (GB) et l’Allemagne (DE).
  • Ce breveté reproche à quatre défendeurs :
    • au fabricant sud-africain (ZA), de livrer en Angleterre (EN) et en FR,
    • à l’importateur EN, d’exposer en FR, d’offrir notamment sur son site internet en GB et de revendre à partir de son pays, notamment vers la FR et la DE,
    • aux deux FR, d’offrir sur ce site EN les objets incriminés de contrefaçon, notamment à destination de la FR.
  • Ce breveté demande en 2018 aux juridictions parisiennes d’apprécier ces contrefaçons tant en FR qu’en GB et DE, bien entendu selon la loi nationale de chacun de ces trois pays.

La validité du EP n’est contestée par personne.

  • Les deux défendeurs FR admettent à leur égard cette compétence internationale de la juridiction FR, compte tenu notamment de l’arrêt (CJUE) Fiona Shevill de 1995.

Mais à la demande des défendeurs ZA et EN, les juges parisiens, tant en première instance qu’en appel, se déclarent incompétents pour apprécier les contrefaçons qui sont reprochées en GB et DE.

La cassation est prononcée pour violation :

  • et de l’art. 8 (1) du Règlement (UE) 1215/2012 du 22 décembre 2012, sur la pluralité des défendeurs [§ 6],
  • et de l’art.14 de notre Code Civil, sur la nationalité FR du demandeur [§ 10].

La pluralité des défendeurs

Les juges parisiens avaient en effet estimé (imitant en cela l’ancien arrêt CJUE Roche/Primus de 2006) que compte tenu du droit EN et gallois de la contrefaçon, il n’était pas inconciliable que le juge EN puisse estimer qu’il n’y a pas contrefaçon sur son territoire, alors qu’appliquant sa loi FR, le juge FR pouvait de son côté estimer de manière seulement « divergente », qu’il y a bien contrefaçon dans son pays, alors qu’au surplus les produits incriminés ne seraient pas identiques en GB et en FR.

Mais c’était oublier (ce que pourtant la CJUE avait déjà retenu dans son arrêt plus récent Solvay/Honeywell de 2012) les points suivants :

  • La juridiction FR doit statuer sur les contrefaçons en GB qui sont aussi reprochées aux deux défendeurs FR.

Et ce sera selon ce même droit EN de la contrefaçon de la même partie EN du EP.

Dans ces conditions, il serait pour le moins « surprenant » sinon « inconciliable » que sa décision diffère de celle du juge GB pour les contrefaçons commises sur ce même marché GB par les deux autres défendeurs, le livreur ZA et l’importateur EN.

  • Au surplus, les actes reprochés aux FR en GB constituent bien l’une des deux faces de la même pièce de monnaie à ceux reprochés à leur fournisseur EN et importateur ZA sur ce même marché GB.

Il s’agit bien de la même source et de la même filière de commercialisation à travers plusieurs pays de l’UE.

Tout comme le fabricant à Marseille, le grossiste parisien et le revendeur breton de la contrefaçon alléguée sont légitimement assignés devant le seul juge parisien.

  • Enfin sur ce marché GB, ce sont bien toutes les versions du même produit en cause, que le breveté incrimine de contrefaçon devant ce juge FR.

La nationalité française du demandeur

  • Cet art. 14 de notre Code Civil prévoit depuis plusieurs siècles que « L’étranger, même non résidant en France, pourra être  […] traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français ».

Inversement, son art. 15 dispose que « Un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger.».

Il est clair que ce privilège exclusivement en faveur du FR ne s’applique que si aucun autre texte national, régional ou international ne bénéficie à cet étranger.

Et dans ce cas-là, ce privilège est de portée générale et s’applique :

    • au litige même de nature délictuelle,
    • pour le seul motif que le demandeur est de nationalité FR.

C’est bien le cas du ZA qui livrait en GB ; il peut donc être assigné par le breveté FR devant le Tribunal de Paris.

Depuis le Brexit et jusqu’à nouvel ordre, ce sera aussi le cas du GB qui importe et/ou met dans le commerce à partir de son pays.

Dans la pratique, force est de constater que nombreux sont les demandeurs FR qui négligent ce privilège qui en effet n’est pas obligatoire, ni d’ordre public international FR.

Serait-ce pour éviter d’avoir à multiplier les preuves du caractère contrefaisant selon chacune des lois locales de la contrefaçon ?

Pourtant notamment en Europe, de nombreuses lois nationales se sont alignées sur l’Accord de Marrakech du 15 avril 1994 (art. 28 et s. sur l’exercice des droits de brevet).

  • Suivant cette logique traditionnelle du droit international privé FR, le breveté FR pourrait-il devant un juge FR assigner le fabricant américain (US) ou le commerçant chinois (CN) qui contreferait dans son pays le titre de ce demandeur FR, toujours selon les lois locales US ou CN ?

Ceci peut paraître :

    • exorbitant, par exemple pour les personnes morales qui ont plus souvent que les personnes physiques, les moyens de répartir leurs réclamations judiciaires sur chacun de nos continents …
    • risqué de voir la réciproque être infligée aux FR dans ces pays …

Mais sommes-nous à un privilège près dans ce monde face à des puissants qui souhaitent protéger à l’étranger les intérêts de leurs propres ressortissants ?

Faudrait-il  alors exiger que cet étranger contrefasse aussi en FR ?

Des spécialistes de ce droit international privé répondent par la négative.
En effet, au moins du point de vue de la responsabilité civile, nos litiges en propriété intellectuelle ne se distinguent pas des autres litiges de nature délictuelle.

Remarques

Au début du XXème siècle, le juge FR s’était déjà déclaré compétent pour apprécier sinon la validité, du moins la portée quasi-inexistante d’une marque grecque ou d’un brevet espagnol d’importation, notamment pour écarter dans ces pays les contrefaçons que son titulaire FR lui soumettait.

Si l’art. 24 (4) de ce même Règlement UE 1215/2012 interdit maintenant à nos juges de se prononcer sur la validité d’un titre dans l’UE qui n’a pas été délivré par son Etat, le juge FR de la contrefaçon pourrait bien réagir comme le juge DE avec son système de la bifurcation, et par exemple surseoir à statuer sur la contrefaçon étrangère si la validité du titre étranger lui apparaît sérieusement douteuse.

Conclusion

Il est heureux que cette compétence internationale de nos juges, depuis longtemps reconnue pour les contrefaçons de droit d’auteur, de dessin et modèle, de marque, ou encore pour la concurrence déloyale, soit maintenant reconnue par notre cour suprême en matière de brevet. Sans oublier leur CCP !

Thierry MOLLET-VIÉVILLE Avocat associé

04.07.22

Le droit de priorité, son ayant cause : un bon sens international à suivre …

1/   La Convention de Paris (CP, art.4 A à I) a créé et institué en 1883 le principe du droit de priorité au profit du déposant de sa première demande d’un titre de propriété industrielle (brevet, marque et dessin ou modèle).

Le Traité de Washington (PCT, art.8) et la Convention sur le Brevet Européen (CBE, art. 87 à 89) l’ont également prévu en 1970 et 1973, pour le brevet sur leur territoire.

 

a. Tout comme le brevet lui-même, au moins selon notre droit français, ce droit de priorité constitue un droit mobilier de propriété incorporelle opposable à tous.

C’est donc un bien négociable ; et en 1911, la CP a confirmé son extension à l’ayant cause du déposant.

Dans quelles conditions peut-il alors être exercé et négocié ?

Entre déposant et ayant cause, ce ne peut être que par le droit des contrats qui consacre la volonté commune des parties.

Ce contrat a pour le moins une vocation internationale ; il a donc tout intérêt à être soumis et apprécié par une seule et même loi, et ce pour le monde entier.

La CP se gardant d’aborder ce sujet, cette loi devrait naturellement être celle du pays où ce droit de priorité est né.

A défaut d’en convenir autrement, il conviendrait comme d’habitude de tenir aussi compte de la nationalité du déposant et de son ayant cause, de leur domicile ou établissement, du lieu des signatures, de la langue du contrat …

C’est dans ce sens que nos juges français appliquent la loi américaine pour apprécier la cession outre du droit de déposer à l’étranger, celle également du droit de priorité dans la convention soumise à la loi américaine, lorsque par exemple elle a été passée aux USA entre l’inventeur américain qui a déposé sa première demande dans son pays, et son cessionnaire aussi américain, tous deux basés sur ce même territoire.

D’autre part, plusieurs pays et certaines régions prévoient à ce régime contractuel un régime légal qui s’impose et le supplante, par exemple le droit social du travail qui relèverait d’ailleurs de l’ordre international public.

C’est bien ce que pour le droit au brevet européen, l’art. 60 (1) de la CBE prévoit pour imposer, lorsque l’invention a été réalisée par un employé, une seule loi applicable (celle du lieu de l’emploi principal, ou à défaut celle du lieu de son attachement effectif à l’établissement de son employeur).

 

b. Mais rappelons néanmoins deux choses :

  • Le droit au brevet et le droit à la priorité sont des droits bien distincts, même si l’un peut dépendre de l’autre.

Le droit au brevet revient généralement à l’inventeur, alors que la priorité n’existe que sur la tête du déposant de la première demande et qu’elle expire au bout d’un temps assez court.

Si c’est à l’inventeur que revient naturellement le droit de déposer une demande de brevet, la commande de son invention peut lui imposer de transférer son droit au brevet à celui qui lui avait commandé cette invention et qui en devient son légitime « ayant-cause ».

Mais pour autant le régime des inventeurs sur commande qui relève de ce droit au brevet, ne peut pas être automatiquement transposé au droit de priorité qui jusqu’à maintenant n’existe pas sur la tête de l’inventeur, même s’il en est le premier.

 

  • D’autre part, céder une demande (nationale ou régionale) de brevet ne confère pas nécessairement le droit d’en déposer de nouvelles hors de son territoire.

 

2/        A vrai dire, né de la CP, ce droit de priorité est destiné à être exercé à l’étranger, là où la demande ultérieure va pouvoir effectivement bénéficier de sa date de priorité.

Dans ces conditions, l’ayant cause du déposant, le cessionnaire de la priorité, devra respecter les conditions dans lesquelles ces deux conventions, l’une multilatérale (PCT) l’autre régionale (CBE), reconnaissent et mettent en œuvre ce droit de priorité ; tout comme les pays de la CBE reconnaissent leur obligation de protéger selon leurs propres modalités d’exercice, les inventions non-européennes des ressortissants de la CP, de la même manière que pour leurs propres nationaux.

C’est à ce titre que l’on peut ici évoquer non plus seulement la loi d’origine, mais également la loi du pays où la protection est réclamée :

  • ne pas violer l’ordre international public de ce pays destinataire, notamment en matière de droit social du travail,
  • remplir convenablement les formalités locales pour revendiquer ce droit de priorité (copie, traduction, délais, taxes …).

En Europe pour la cession de la demande de brevet européen, l’art. 72 (CBE) impose un écrit signé par les parties contractantes, ce qui effectivement en facilite la preuve, si elle devient nécessaire.

Pour autant cette exigence de l’écrit n’est pas dans ce traité international expressément sanctionnée par la nullité de cette cession, contrairement à la loi française (L.613-8 § 5 CPI) selon son principe « pas de nullité sans texte ».

Mais ni cette exigence formelle ni les autres droits de propriété prévus aux art. 71, 73 et 74 (CBE) ne sont prévus pour le droit de priorité et son ayant cause, surtout lorsque le brevet a été définitivement délivré.

C’est pourquoi la Cour de Paris a déjà pu apprécier la cession notamment du droit de priorité aux termes de conventions conclues selon le droit américain, entre des employés américains et leur employeur tous établis dans ce même pays.

Au vu de consultations émanant de juristes américains, cette Cour a même admis que la cession du droit de priorité pouvait en effet être implicite à condition qu’elle soit certaine ; tel serait le cas lorsqu’elle résulte notamment d’obligations de faire, quand bien même elles auraient été conclues avant que cette priorité ne naisse sur la tête des inventeurs premiers déposants aux USA.

Certes le droit de priorité est éphémère. Il paraît néanmoins sage de respecter le principe fondamental de l’autonomie de la volonté des parties qui peuvent être toutes d’accord pour céder et acquérir un droit à naître, quitte à se confirmer mutuellement un tel transfert, même lorsqu’il a expiré.

En définitive, le simple bon sens devrait semble-t-il imposer :

  • d’accorder aux inventeurs étrangers ressortissants de la CP un titre juridique comme à ses propres nationaux,
  • mais d’appliquer une seule loi pour régir et apprécier un contrat convenu entre plusieurs personnes sur l’un des attributs du droit conféré par le dépôt d’origine de la première demande, et ce pour le monde entier.

 

3/        Reste la délicate question de compétence et de pouvoir de l’autorité pour apprécier le fond (dont le contenu) et la forme (dont le mode de preuve) de cette cession, dont la sanction n’est en principe que la perte de la date de priorité, mais non la nullité de son titre.

a. Les juges français se sont heureusement et depuis longtemps considérés compétents pour statuer sur ces cessions de priorité, quitte à appliquer effectivement la loi d’origine, convaincus de la réalité même seulement implicite de la volonté des parties de convenir du transfert effectif entre elles – non seulement du droit de déposer à l’étranger – mais également du droit de priorité, surtout du temps de son existence telle que prévue par nos conventions internationales.

 

b. Le défaut de priorité ne constituant pas un motif d’opposition, l’OEB n’est pas compétent pour statuer sur le contenu et la portée de la convention invoquée pour le transfert de ce droit, l’un des attributs de cette propriété incorporelle opposable à tous y compris après la délivrance définitive du brevet.

Pourtant les offices sont en général compétents pour statuer sur le défaut de nouveauté ou d’activité inventive d’un brevet non encore définitivement délivré.

Et pour cela, l’office doit naturellement connaître la date à laquelle se termine l’état de la technique opposable à la demande pour savoir si un document intercalaire peut en détruire sa brevetabilité.

Mais faut-il pour autant admettre qu’un office a le pouvoir d’aller au-delà du simple contrôle formel de la régularité de la revendication sur son territoire ?

On pourrait imaginer de suivre la règle admise devant plusieurs offices, selon laquelle le demandeur est réputé habilité à exercer le droit invoqué devant lui [voir par exemple les art. L.611-6 CPI et 60 (3) CBE].

Il n’en serait autrement que si de manière manifeste et évidente, ce demandeur n’a pas droit au bénéfice d’une priorité.

C’est bien le cas lorsque le déposant PCT et CBE n’est pas le même que l’inventeur déposant de la première demande aux USA.

L’inexistence du transfert de la priorité invoquée apparaît d’autant plus manifeste et évidente, lorsque l’entreprise déposant ses demandes PCT et CBE a elle-même déclaré à l’OEB qu’aucun contrat de cession ou de travail n’existait avec son employé déposant aux USA.

Dans ces conditions, s’il une existe une antériorité pertinente entre cette priorité américaine et le dépôt en Europe, il apparaît intéressant ne serait-ce que sur le plan pratique et dans l’intérêt de tous, de connaître l’avis d’un tel office sur la date exacte dont la demande en Europe peut en réalité bénéficier.

Puis, si l’office décide de révoquer la délivrance d’un tel brevet notamment pour défaut de nouveauté au vu de l’antériorité intercalaire, une révision judiciaire devrait encore être offerte à la victime de cette révocation [voir les art. 32 et 41.4 de l’ADPIC].

S’agissant de l’INPI, la Cour de Paris devrait pouvoir connaîtra d’un tel recours cette fois-ci judiciaire pour apprécier pleinement le fond et la forme de la cession même étrangère.

Qu’en sera-t-il de l’OEB dont la Grande Chambre va bientôt donner son avis ?

Qu’en sera-t-il de la JUB où le défaut du transfert de la priorité qui entraîne le défaut de brevetabilité, serait une défense relevant alors de sa compétence « exclusive » [voir l’art. 32-1. a) de l’Accord] ?

On pourrait imaginer suivant le principe équitable que le juge de l’action est aussi celui de l’exception, que la JUB doive se saisir de ce moyen de défense, quitte à se contenter de débouter le demandeur en contrefaçon, sans pour autant accorder un effet « erga omnes » ni une autorité de la chose jugée (res judicata) à son appréciation sur la cession de la priorité.

 

c. Enfin, la décision du premier juge saisi de cette cession devrait sinon s’imposer, du moins être retenue et prise en considération par toutes les autres juridictions.

C’est la même question qui se pose en matière de licence Frand.

 

4/         C’est bien là que droit international privé connu notamment dans les Conventions de Vienne et de Rome pour tous les contrats, devrait avec bon sens être retenu, ne serait-ce que parce que ce droit international privé est accepté et pratiqué par la plupart des pays au moins en Europe.

à suivre …

Lin NIN Avocat associé

Sarah LARBI Avocat

19.04.22

UES et compétence ratione materiae : à la recherche d’un texte perdu !

En matière d’UES, le Pôle social du contentieux des élections professionnelles du tribunal judiciaire qui est considéré comme compétent. Mais sur quel fondement ? Dans un article paru dans le JCPE, Lin Nin et Sarah Larbi reviennent sur la notion d’UES et son fonctionnement.

Retrouvez leur article ici

 

Thierry MOLLET-VIÉVILLE Avocat associé

04.04.22

Les brèves DTMV : Modèle industriel ou d’utilité ? Droit de priorité ?

Le dépôt d’un modèle industriel hors de l’Union Européenne (UE) confère-t-il un droit de priorité pour déposer un tel modèle dans l’UE ?

La réponse semblerait évidente.

Pourtant, l’art. 41 du Règlement 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles [RDMC] maintenant de l’UE ne la donne pas ! Cet art. 41 ne vise en effet que le dessin, le modèle et … oh surprise … le « modèle d’utilité », mais pas le modèle industriel pour faire naître un tel droit de priorité.

N’est-ce pas une erreur de plume ? à corriger au plus vite ?

Chacun connait la différence essentielle entre ces deux régimes de modèle :

  • celui industriel qui comme le « patent design », tend à protéger l’aspect visuel (ou les formes ornementales) de son objet,
  • au contraire le modèle d’utilité qui comme le « Gebrauchsmuster », tend à en protéger ses fonctions techniques (ou ses formes fonctionnelles utiles), peu important son aspect ornemental.

Ce RDMC semble bien l’admettre :

  • puisqu’il associe le modèle industriel avec les Arrangements de La Haye et de Locarno, dans son titre et ses articles 25, 37, 40 et 106,
  • alors qu’il rapproche le modèle d’utilité, des brevets d’invention dans ses considérant (31) et article 96.

Il en est de même de la Directive 98/71 du 13 octobre 1998 dans ses considérant (7) et article 16, sans pour autant évoquer un « modèle industriel », ni le titre étranger qui donnerait droit à la priorité pour déposer dans l’UE.

C’est aussi ce à quoi nous font penser dans notre Convention de Paris de 1883, ses articles 1 2) et 4), 4 A.- 1), 4 C 1), 4 I, 4bis 1), 4ter, 5 D, 5bis 2), 5quater, 5quinquies, 11 1), 12 1) et 2) :

  • brevet d’invention, certificat d’auteur d’invention ou modèle d’utilité, d’une part,
  • et, d’autre part, dessin ou modèle industriel.

Pourquoi, alors, à son article 41, ce RDMC parle-t-il subitement de modèle d’utilité pour créer cette priorité, tout en y omettant le modèle industriel ?

Certes, la Convention de Paris permet, à son article 4 E, au dépôt de modèle d’utilité de faire naître un droit de priorité pour déposer hors de ses frontières un modèle industriel. Dans ce cas-là, le délai est de six mois et non pas de douze, comme en matière de brevet d’invention.

Mais le fameux Professeur Bodenhausen fait aussitôt remarquer dans son ouvrage (pp. 53 à 55) publié en 1969 par les BIRPI de l’époque qu’il est rare qu’une législation nationale (ou régionale) autorise un « chevauchement », autrement dit une seule protection commune pour un même article industriel dans ses aspects ornementaux et dans sa nouveauté technique.

Ce n’est pas ce régime que nous connaissons en Europe.

  • L’avenir nous dira si ces appareils de gymnastique ou de sport sont valablement protégés par les dessins enregistrés par l’EUIPO qui compte tenu des termes même de cet article 41 du RDMC, a admis dans ses décisions des 31 octobre 2018 et 13 juin 2019 que pouvait naître d’une demande PCT (qui englobe effectivement les modèles d’utilité), une priorité pour déposer un modèle dans l’UE.

Puisque cette solution n’était pas critiquée ni par le déposant, ni par l’EUIPO devant lui, le Tribunal de l’UE [TUE] a dû l’admettre dans sa décision du 14 avril 2021 [T-579/19], mais il en a étendu la durée de six à douze mois. Cette décision est maintenant frappée d’un pourvoi (déclaré recevable).

Et si certains venaient à penser qu’une demande PCT pouvait faire naître un droit de priorité pour déposer aussi une demande d’enregistrement de marque, au prétexte que son signe y a été décrit pour désigner ses produits ou services … s’agirait-il du « même objet », comme l’exige notre convention séculaire notamment à son article 4 C 4) ?

N’est-ce pas ce que le RDMC voulait reprendre à son article 41 1. selon son expression « pour le même dessin ou modèle ou pour le même modèle d’utilité » ?

Est-ce une des raisons pour lesquelles l’EUIPO a annoncé la possible instauration d’un modèle d’utilité dans l’UE ??

à suivre …

Thierry Mollet-Viéville, avocat à la Cour – DTMV, ancien président de l’AIPPI

Grimaud VALAT Avocat associé

24.02.22

Le rapport sur « Le Data Altruisme » remis au gouvernement

Le rapport « Le Data Altruisme : Une initiative Européenne, les données au service de l’intérêt général » a été remis jeudi 24 février 2022 au Secrétaire d’Etat chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques Cédric O à l’Hôtel des Ministres du Ministère de l’Economie et des Finances publiques. Grimaud Valat est rapporteur de ce projet.

Retrouvez le rapport ici : https://www.human-technology-foundation.org/fr-news/rapport-altruisme-de-la-donnee

 

Lin NIN Avocat associé

Sarah LARBI Avocat

10.02.22

Commentaire : arrêt de la Cour de Cassation du 13 janvier 2022 

Pour mémoire, la déclaration d’appel contient les chefs de jugement expressément critiqués, et doit être effectuée par voie électronique via le RPVA.

Cette diligence peut se heurter à une problématique d’ordre technique : celle de la limitation du nombre de caractères de l’objet de l’appel au sein de laquelle les chefs du jugement sont expressément critiqués !

C’est dans ces conditions que la circulaire JUSC1721995 C du 4 août 2017 a ouvert la possibilité aux déclarants de compléter la déclaration d’appel comme suit :

« Dans la mesure où le RPVA ne permet l’envoi que de 4080 caractères, il pourra être annexé à la déclaration d’appel une pièce jointe la complétant afin de lister l’ensemble des points critiqués du jugement. Cette pièce jointe, établie sous forme de copie numérique, fera ainsi corps avec la déclaration d’appel. L’attention du greffe et de la partie adverse sur l’existence de la pièce jointe pourra opportunément être attirée par la mention de son existence dans la déclaration d’appel. » (cf. pièce jointe, p.7/37).

Par un arrêt du 13 janvier 2022, la Haute juridiction est venue encadrer cette dérogation.

Finie la pratique consistant à annexer au formulaire de déclaration d’appel RPVA, un document comprenant les chefs du jugement expressément critiqués peu important le dépassement ou non de la limite de caractères.

Cet arrêt appelle à la vigilance des déclarants, notamment en ce qu’il rappelle (1) la nécessité de mentionner les chefs critiqués du jugement objet de l’appel dans la déclaration d’appel, et (2) l’absence de valeur d’une annexe de la déclaration d’appel à défaut pour le déclarant de démontrer que pour des raisons d’ordre techniques, il n’a pas pu déclarer son appel via le formulaire RPVA.

Et à défaut de vigilance, la déclaration d’appel encourt la nullité.

Et pour cause, l’annexe qui ne serait pas justifiée par l’empêchement légitime, n’emporte pas dévolution du litige à la Cour d’appel, qui de facto, n’est pas saisie.

Cette décision ne constitue pas un revirement de jurisprudence, mais un rappel « à l’ordre » non sans incidence sur la pratique et qui peut s’avérer être une source de contentieux considérable.

D’autant plus qu’en cas de nullité, la régularisation d’un nouvel appel n’est possible que si le délai d’appel n’a pas expiré…

Eleonore Gaspar

Eléonore GASPAR Avocat associé

07.02.22

Panorama des évolutions en droit d’auteur et droit des marques

Dans un numéro spécial de la Revue Francophone de la Propriété Intellectuelle, intitulé « Eclairage sur les réformes de l’Union Européenne – Panorama des évolutions en droit d’auteur et droit des marques », Eléonore Gaspar récapitule les modifications apportées aux règles de rémunération des créateurs suite à la transposition en France par l’ordonnance du 12 mai 2021 des articles 18 à 22 de la Directive DAMUN.

-> Retrouvez l’article ici

 

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